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 Vous ne bégayez pas qu'avec les mots, vous bégayez aussi avec les sentiments |Solo

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Dalaigh B. McLaughlin

Dalaigh B. McLaughlin
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MessageSujet: Vous ne bégayez pas qu'avec les mots, vous bégayez aussi avec les sentiments |Solo   Vous ne bégayez pas qu'avec les mots, vous bégayez aussi avec les sentiments |Solo Icon_minitimeMer 24 Juil - 6:52



    Accroupi dans une petite cavité aménagée pour que le maître des lieux puisse espionner ses clients, les yeux dans le vague, Dalaigh ne voyait qu’à peine le corps torturé se tordre afin d’éviter les assauts répétés de son bourreau. L’homme n’avait plus la force de regarder le carnage s’attarder. Cela faisait plus de trois heures que la fille s’époumonait. Elle  n’avait pas encore compris que plus elle hurlait, plus elle lui procurait du plaisir. Cette jeune femme, qui n’avait absolument rien demandé, qui avait juste eu le malheur de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Au moment de la rafle. Ce procédé se déroulait une fois par semaine et consistait en la capture d’un certain type de fille afin de faire tourner les affaires sous-jacentes du cabaret. Celle-là avait simplement eu la malchance d’être du goût d’un de ses meilleurs clients et Dalaigh s’était débrouillé pour la lui obtenir. C’était aussi simple que cela. Ils demandaient, il trouvait, ils payaient. Toujours.

    Enfin, les hurlements cessèrent. Avec un soupir satisfait, l’homme qui avait payé pour cette Moldue se retira, attrapa une grande serviette mise à sa disposition et s’essuya méticuleusement. Que ce soit le sang ou les productions séminales, tout disparut en quelques minutes. L’homme était expérimenté, il savait s’y prendre. Il savait comment nettoyer derrière lui. C’était ce que Dalaigh appréciait chez lui. Sa violence et son goût du sang le dégoutaient au plus haut point mais les liasses de billets qui s’écrasaient sur son bureau le faisaient fermer les yeux. Malheureusement, cette fois, il avait voulu voir ce que le client s’afférait à faire en compagnie de ces jolies jeunes filles qu’il lui dénichait. C’était dans ses habitudes. Vérifier. Au moins une fois. Parfois plusieurs fois. Parfois, chaque fois. Lorsque le spectacle lui plaisait. Un sourire tira rapidement ses lèvres, avant de disparaitre lorsque ses prunelles effleurèrent ce qu’il restait du corps rougis. Ses longues jambes s’étirèrent en même temps que le rideau retombait derrière le corps musclé de son client et le bruit léger de son atterrissage fut étouffé par le claquement des talonnettes de l’autre. Le sang gicla sur son pantalon, laissant de longues traînées rouges sur le tissu clair. Il n’y prêta pas la moindre attention.

    Ses pieds montèrent automatiquement les marches menant à cette salle emplie d’une débauche luxueuse dont il était le gérant. Les corps dansaient, se frottaient dans une volupté brûlante. L’alcool coulait à flot, dans les veines et dans les verres. Son regard s’attarda un instant sur Oddie et Bérénice, ces deux jeunes femmes qui avaient acceptées sans la moindre hésitation l’offre qu’il leur avait faite des années auparavant. Son regard continua encore, sur les tentures, les sols éclaboussés de lumière et de sperme. Les escaliers dévalaient sous ses talons, avalant les étages pour finalement arriver au sommet du bâtiment. Si inconnu, si privé. Si délicieusement luxuriant. Les chambres personnelles de ses meilleures filles servaient autant de logements que de pièces où se faire sauter par les plus friqués des hommes en manque qui posaient les pieds dans sa Divine Comédie.

    Les cris qui résonnaient dans cette partie du cabaret n’avaient plus rien à voir avec les hurlements de terreur et de douleur qu’il avait dû endurer pendant ces longues heures. Là, les gémissements étaient de mise, les rires, les gloussements. Tout ce qu’il avait détesté lors de ses années passées à voyager à travers le monde. Les faux plaisirs. Plaisirs coupables. Plaisirs monnayés. Plaisirs marchandés. Il avait toujours préféré le sexe, pur, sans complication, sans raison, sans prise de tête. Sans histoires. Mis à part Selina. Elle avait été l’exception. Le corps encré de l’homme se glissa derrière une tenture, pris place sur un canapé mis à sa disposition et se faisant silencieux, ne bougea plus. Ses yeux se délectaient des courbes et des mouvements souples et caressants qui s’offraient à lui. Ou plutôt, à l’autre homme. Mais il s’en foutait. Ses pensées étaient dirigées sur Selina. Grâce à Nienna, ou à cause de Nienna, il ne savait vraiment le déterminer, il avait appris que son amour disparut était en vie. Qu’elle se portait bien. Dans un des pays les plus froids au monde. Pourquoi diable avait-elle choisi la Russie ? Il n’y avait aucun attachement affectif, aucune histoire, aucun parent. Rien.

    Un petit sourire lui tira les lèvres. Peut-être était-ce pour cela, justement, qu’elle avait choisi la Russie. Parce que rien ne pouvait les relier. Rien ne s’y était passé. Absolument aucun lien. Les corps sur le lit se frottaient avec la légèreté des premiers attouchements tandis que son esprit vagabondait entre les courbes connues de la Norvégienne. Sur sa peau blanche, ses mains glissant le long de ses cheveux d’un noir profond tandis que ses lèvres, rougies, se faisaient mordiller afin de retenir les cris que la fille poussaient en ce moment même. Leur dernière danse avait été magnifique. Tous leurs ébats avaient été parfaits, d’une manière ou d’une autre. Le premier pour sa délicatesse, le dernier pour sa passion et sa sauvagerie. Ils avaient toujours été deux félins, prêt à se jeter l’un sur l’autre, prêt à faire crier l’autre en premier, jouant à ne rien montrer pour mieux s’exprimer. Les deux amants de la pièce ne connaissaient pas ce jeu. Ils étaient trop… Neufs. Ses pensées coururent encore, entre les roches glacées de son pays adoptif, entre les seins doux de son amante, entre les blessures de son départ et les crevasses des montagnes bien connues de son Angleterre natale.

    Pourquoi était-il revenu, en fait ? Il n’en savait rien. Son cabaret s’était créé dans sa tête, il avait été obligé de le coucher sur papier puis d’en faire une réalité. Il aurait pu se contenter du boulot de bureau qu’il exerçait durant quelques années, ne pas se perdre dans ce monde de drogues, de prostitution volontaire, d’enlèvement et de tortures. Mais son idée s’était muée en obsession. Et il avait tout mis en œuvre afin de pouvoir finir ses jours en observant de jolies filles se faire payer pour baiser tandis que ses yeux curieux observaient durant quelques instants les coups de rein joyeux d’un jeune puceau ou d’un mari en manque. Quelle ironie. Quelle beauté. La vie pouvait nous réserver de drôle de surprise. Ou parfois se dérouler exactement comme on le désire.

    L’homme finit par atteindre le paroxysme, alors que la fille simulait un orgasme tout à fait réaliste. Peut-être même n’était-il pas faux. Il ne voulait pas savoir. Lentement, Dalaigh délia ses jambes, refit le chemin inverse et descendit les escaliers pour retourner à son bureau. Il ne savait plus quoi faire. La soirée se déroulait comme prévu, rien ne sortait de l’ordinaire, les nouveaux clients découvraient tous les aspects qu’il leur était permis de voir et s’en émerveillait. Les plus vieux s’afféraient à leurs occupations favorites. Et aucune descente de police n’avait été prévue pour aujourd’hui. Le désœuvrement prit doucement sa place, s’insinuant dans le corps du squelette qui se laissa faire, s’assoupissant entre les bras moelleux de son fauteuil et de Morphée.

    ф ф ф

    Lorsque ses yeux s’ouvrirent, les relents d’un rêve laissaient des images colorées derrière ses paupières alors que les meubles en bois reprenaient leur place habituelle. Le soleil pointait  le bout de ses rayons et l’horloge murale indiquait cinq heures du matin. Un rapide calcul s’aventura dans son esprit et lui apprit qu’il était tout juste sept heures, en Russie. Il secoua sa tête. Les pensées s’éparpillèrent, avant de mieux se reformer. Nienna lui avait dit qu’elle était en Russie, à Moscou s’il se rappelait les mots exacts. Qu’elle travaillait là-bas. Qu’elle avait probablement une vie. Peut-être même une famille. Dalaigh passa de l’eau sur son visage après s’être dirigé vers son cabinet de toilette, sauta dans un pantalon propre une fois les traînées de sang repérées et se retrouva bientôt en plein centre d’une des plus belles villes d’Europe.

    Les pavés défilaient sous ses chaussures tandis que son regard effleurait, dévorait les moindres détails. Il était déjà venu ici, tant d’années auparavant. Il y avait trouvé Oddie et Bérénice. Les images du passé se superposaient avec celles du présent. La nuit contre la lumière. Les couleurs criardes contre les pierres nues. Les femmes sur hauts talons contre les femmes d’affaire qui courraient en tous sens. Les cris de jouissance contre les hurlements des chiens. Il préférait la nuit. Définitivement. Un petit café attira son attention et il y entra, sur l’ordre de son ventre grognant. Quelques minutes plus tard, un café italien et un croissant atterrissaient sur sa table. Avec une grimace, l’homme se rendit compte qu’il n’y aurait pas assez à manger pour sa gourmandise matinale et, après avoir dévoré et payé ce qui lui avait été amené, partit à la recherche d’un bon café, restaurant, peu importait vraiment.

    Alors que les claquements des talons se faisaient plus présents et que les rayons du soleil éclaboussaient les murs de leurs lumières, il remarqua une chevelure noire, ondulante. Connue. Ses pas emboitèrent ceux de la femme et longtemps, ils marchèrent. Elle pouvait l’avoir repéré, pouvait ne pas être au courant de sa filature. Dans tous les cas, elle ne montrait aucune réaction. La lumière augmentait, les pavés défilaient, les rues, les voitures, les… Chevaux ? Dalaigh s’arrêta un instant, désemparé de voir une petite horde de chevaux, visiblement sans cavaliers, galoper au milieu de la rue dans une joyeuse cacophonie. Le temps qu’il se remette de sa surprise, la chevelure noire avait tourné au coin d’une rue et il ne la vit que disparaître. Ses jambes entamèrent un rythme bien connu, ses talons se faisant un plaisir de heurter le sol alors que son cœur accélérait rapidement.

    La rue était une impasse et aucune porte n’avait claqué, indiquant que la sorcière avait pénétré dans une des maisons qui s’y trouvait. Un hurlement de rage resta bloqué dans sa gorge et il frappa le mur de pierre qui indiquait la fin de sa filature. A sa plus grande surprise, celui-ci se déroba sous sa main, lui dévoilant une toute nouvelle rue, lumineuse et bien entretenue. Des hommes en cape et hauts chapeaux marchaient, chacun à leur vitesse, la plupart du temps sans se presser. Il y avait une rue à Moscou comme il y avait une rue à Londres ? Une espèce de chemin de traverse russe ? Il n’en avait jamais entendu parler. Son voyage impromptu se dévoilait très intéressant, finalement. En plus d’avoir aperçu Selina, il l’avait suivi dans une partie de la ville que ne s’était pas dévoilé à lui la dernière fois. Malheureusement, cela se révéla être un désavantage car, ne connaissant pas les détours et les secrets des rues, il ne parvint pas à remettre la main sur celle qu’il était venu chercher ici. De toute façon, qu’aurait-il pu bien faire s’il l’avait abordée ? Lui demander de revenir, de quitter le pays qu’elle avait choisi comme terre d’accueil ? Cela n’était pas dans ses habitudes. Il n’avait jamais été question de s’excuser. C’était elle qui était partie. Qui avait fui une menace invisible et inconnue. C’était à elle de faire le premier pas. Mais c’était à lui de faire un signe. Peut-être était-ce cela qu’il était venu chercher, à Moscou. Se dirigeant vers une boutique qu’il savait plaire à Selina, il y entra, laissa un message à la réception avec une description de la fille à qui il était destiné et disparut dans un craquement sonore. Derrière lui, l’alarme du magasin se mit à sonner.

    De retour à son appartement, il se laissa tomber sur le lit, les mains derrière la tête. Nienna avait essayé de lui apprendre où se trouvait la jeune femme. Avec précision. Mais il était parti. Et avait raté une chance d’avoir des informations sur ce qu’il était parti cherché, les yeux bandés, dans une énorme ville. La frustration se fit ressentir, une fois de plus, et, Dalaigh se leva, marcha droit vers la table et la renversa, avant de s’en prendre aux décorations, qu’il envoya valser à travers l’appartement. Tout ce qui lui tomba sous la main finit au sol, brisé ou juste abimé. Une fois calmé, le squelette regarda le chaos qui régnait dans son habitat et se laissa tomber au sol. Comme les objets, et malgré ce qu’il avait toujours soutenu, lui aussi avait été brisé. Maintenant, la brèche s’était colmatée mais il restait une enveloppe abimée. Une petite enveloppe. Déterminée. Mais abimée.
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Dalaigh B. McLaughlin

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MessageSujet: Re: Vous ne bégayez pas qu'avec les mots, vous bégayez aussi avec les sentiments |Solo   Vous ne bégayez pas qu'avec les mots, vous bégayez aussi avec les sentiments |Solo Icon_minitimeVen 2 Aoû - 5:51



    Les mèches de feu dansaient dans le vent, frappant le visage de nacre qui rougissait sous les assauts de la glaciale morsure. Comme attisée par le soleil, le roux foncé s’était mué en couleur flamboyante, qui s’amusait à faire miroiter les rayons de l’astre de feu dans un chatoiement paresseux. Le corps, pourtant, ne subissait pas l’écoulement du temps et gardait sa fermeté d’antan. Cela faisait des années qu’elle avait quitté la Norvège, sans laisser de traces, d’une quelconque manière que ce soit. La Russie était sa terre d’accueil. Elle se savait en sécurité, pour le moment. Peut-être, un jour, Dalaigh parviendrait-il à la retrouver. Mais pas pour le moment. Il était trop tôt. Une décennie seulement s’était écoulée. Pourtant, il lui avait semblé l’apercevoir, quelques jours auparavant, lorsqu’elle se rendait au travail. Elle avait donc abandonné sa teinture noire qu’il avait si bien connue, redonné à ses cheveux leur couleur naturelle et, pour l’en remercier, voilà qu’ils reprenaient maintenant toute leur vigueur. Assise sur un banc, elle ne la sentit pas arriver. Cette menace qu’elle avait tant essayé d’éviter se trouvait soudainement à quelques centimètres de sa nuque et son insouciant regard balayait le soleil rougeoyant, toute garde baissée. C’était son moment préféré de la journée. Le moment dont elle profitait pour se détendre. Elle sentit à peine l’aiguille s’enfoncer dans son cou. Ses yeux gris s’agrandirent de surprise, tandis que toute force quittait ses jambes, faisant lentement remonter la douceur moelleuse de la drogue dans son ventre, ralentissant son cœur et faisant brûler ses veines. Les hurlements de douleur et de terreur restaient coincés dans sa gorge immobile mais ses prunelles rencontrèrent le regard hanté de son empoisonneur qui, lui, abordait un sourire tranquille. Son cœur ralentissait, encore, dangereusement. Le noir se propagea dans ses iris, se refermant lentement sur sa vie. Sa respiration devint alors imperceptible.

    Le squelette se redressa vivement dans son lit. La respiration haletante, il sentit la transpiration couler le long de son dos avant que les frissons ne le gèlent jusqu’à l’immobiliser momentanément. Il ne savait trop si ce rêve était réel, comme une transmission du dernier instant, ou si son cerveau malade avait créé de toutes pièces une fantaisie afin de se rassurer. Dans les deux cas, cela avait fait accélérer son cœur jusqu’à lui faire mal et il passa lentement une main sur son visage fatigué avant de faire basculer ses jambes hors du lit. Ses pieds touchèrent le sol dans un électrique contact et, en quelques secondes à peine, il se trouvait sous un jet d’eau glacé qui emporta le relent de ses rêves et des sueurs qu’ils avaient causé. Il n’avait jamais voulu croire à une quelconque menace envers la femme qui avait partagé sa vie un instant mais ce rêve… Si réel… Tellement embué d’exhalaisons oniriques. Il ne savait démêler le vrai du faux.

    Ses yeux papillonnèrent tandis que sa vue revenait, lentement. La lumière vive lui blessait les rétines et, dans un plissement de paupière, elle tenta tant bien que mal d’éviter cette source de douleur. Le reste de son corps encore engourdi, elle ne remarqua que plus tard que de grands liens en cuir maintenaient ses membres sur les bras en bois d’une chaise au dossier confortable. Ne remarquant aucune présence vivante dans la pièce, elle tenta de s’en défaire, secouant mollement ses jambes, faisant jouer ses muscles. Mais la drogue, encore très présente dans son système, la rendait bien trop faible pour que cela ait un impact sur les sangles. Les larmes coulèrent sur ses joues, brûlantes et si rafraichissantes dans cette chaleur factice qui régnait dans l’endroit. Sa tête balançait, tombait sur sa poitrine lorsqu’elle la tenait haute durant un long moment. Ou ce qui lui semblait être un long moment. Elle ne savait pas. De gros sanglots faisaient bouger sa poitrine mais elle les étouffait rapidement, tarissant le liquide lacrymal par sa volonté. Elle ne devait pas se montrer faible. Il l’avait retrouvée, certes, mais elle lui avait déjà échappé une fois. Peut-être… L’ombre retomba sur ses pupilles, sans prévenir, et la douceur brûlante de la drogue liquide se répandit dans ses veines qui lui semblaient se dissoudre sous la solution injectée de force. Un gémissement lui échappa avant que le noir ne s’abatte sur elle, emportant ses larmes, ses forces et ses rêves.

    La tasse de café se fracassa sur le sol, envoyant le liquide brun se projeter contre les murs blancs et les jambes nues de l’homme, lui brûlant la peau. Une main crispée sur le plan de travail, l’autre serrée contre ses temps, il tremblait de manière incontrôlable. Derrière ses yeux clos, les images défilaient, encore, vives, lui faisant mal à la tête. Il prit son courage, marcha en boitant vers son ordinateur, l’alluma et, tandis que l’écran d’accueil s’affichait et que la musique de bienvenue retentissait, il regarda les taches brunes, certaines coulant encore sur les meubles et, d’un informulé, nettoya le bordel que la vision avait créé. Il ne pouvait même pas appeler cela une vision. Il n’en avait jamais eu, n’y croyait que vaguement et n’était pas certain de la véracité des flashs. Pourtant, quelque chose lui disait de vérifier. Ainsi, ses doigts pianotant rapidement sur un moteur de recherche, il finit par tomber sur son but : une page recensant toutes les personnes portées disparues à Moscou, mise à jour régulièrement. Anxieux, il fit défiler les visages d’inconnus, regardant à peine les mâles, se concentrant sur les noiraudes et les rousses. Quand son regard tomba sur celle qu’il cherchait, il resta un long moment à la dévisager, fixement. Son cerveau semblait comme éteint, aucun muscle ne bougeait si ce n’est le battement de son cœur, plus rapide que d’habitude.

    Dans un craquement sonore, il se retrouva dans le lieu qu’il avait vu. Une grande étendue d’eau se trouvait sous ses yeux, bien qu’il ne sache s’il s’agissait d’un lac, d’une mer ou d’un océan. S’il avait tout à fait honnête envers lui-même, il s’en serait totalement foutu. Il savait que Selina aimait l’eau. Il n’était pas étonné que cet endroit était celui qui la relaxait. Lentement, il avança vers le banc et son regard se perdit à l’horizon. Un tintement attira son attention. Le vent faisait doucement bouger une seringue, en avant, en arrière. En avant. Puis en arrière. Comme une corde à sauter. Comme les vagues d’une vie. Le verre entrait en résonnance avec la barre de métal qui soutenait les planches du banc. Le squelette se baissa, attrapa délicatement l’objet entre ses doigts, protégés d’un mouchoir, puis l’amena à son regard. L’aiguille était tintée de brun, la fiole, vide, contenait cependant une très petite quantité d’un liquide légèrement jaune. L’homme ne savait de quoi il s’agissait mais une douleur sourde grognait dans son ventre. Il n’avait aucune trace, si ce n’est ce petit bout de verre et de métal. Son cerveau semblait fonctionner au ralenti, comme si la vue de cet objet bloquait toute autre pensée. Mais un prénom surgit cependant. Un prénom qu’il avait tenté d’oublier durant des années mais qui, à y réfléchir, lui serait utile. Un craquement plus tard, il se trouvait dans un appartement parisien où les fioles scintillantes et fumantes encombraient la plupart de la place. Un cri lui invectiva de se déplacer ou une solution à base d’acide sulfurique risquait de lui faire un trou dans le pied. Le tout sur le ton de la plaisanterie. Le regard dur de Dalaigh fit taire l’autre qui se contenta de prendre délicatement la seringue et, après avoir écouté les indications de son ami, se lança dans une série de test afin de donner une réponse satisfaisante à ce monstre d’os et d’encre.
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Dalaigh B. McLaughlin

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MessageSujet: Re: Vous ne bégayez pas qu'avec les mots, vous bégayez aussi avec les sentiments |Solo   Vous ne bégayez pas qu'avec les mots, vous bégayez aussi avec les sentiments |Solo Icon_minitimeVen 2 Aoû - 6:18



    C’est du Rapifen, ou quelque chose de semblable qui contient de l’Aflentanil. C’est un puissant anesthésique qui entraîne une très forte dépendance.

    Ca veut dire qu’elle est vivante ?

    Le silence s’éternisa alors que le parisien se grattait le front, mal à l’aise.

    Peut-être. Si les doses injectées ne sont pas trop fortes. Sinon, son cœur aura arrêté de battre et…

    Dalaigh leva une main pour le stopper dans sa phrase. Il avait compris. Si celui que Selina avait toujours craint avait mal géré les doses, il l’avait tué. Sa respiration était calme, comme si les informations reçues n’avaient pas encore eu le temps d’être analysées par son cerveau. Mais le squelette avait compris une chose. L’inconnu aurait très bien pu injecter toutes autres substances mortelles et laisser la Norvégienne sur place, faisant croire à une overdose. Il l’avait prise avec lui. Il ne voulait pas la tuer. Il la voulait pour lui, exclusivement. Elle n’était pas morte.

    De grosses larmes roulaient en silence sur les joues pâles. Le scotch avait été enlevé de sa bouche, laissant une trace collante autour de ses lèvres, sur laquelle de petites poussières s’étaient collées, formant un ruban gris sur le visage clair. Elle était épuisée. Sans force. Elle s’en voulait d’avoir baissé sa garde. L’ombre noir se détacha des murs clairs et s’approcha de la prisonnière. Sortant un mouchoir de sa poche, il essuya délicatement les larmes du visage qu’il aimait. Ses doigts caressèrent lentement une joue, descendant sur la carotide, effleurant une clavicule. Le contact cessa juste au-dessus du sein. Elle détourna la tête, seul mouvement qu’il lui était possible de faire compte tenu des injections qu’il lui faisait régulièrement. Ses veines la brûlaient toujours autant mais son cœur ralentissait moins, comme habitué. La douceur moelleuse n’était plus désagréable, presque bienvenue. Les larmes recommencèrent à rouler sur ses joues. Elle avait toujours eu peur de replonger dans ce démon commun, de prendre plaisir à perdre pied. Elle l’avait quitté des années auparavant. L’addiction comme celui qui les avait présentés. Et voilà que les deux l’avaient retrouvé. Elle avait beau eu courir, regarder derrière elle, faire attention à tout. Le démon l’avait rattrapé comme si toutes fuites étaient vaines, une sorte de jeu malsain. Les drogues coulaient dans son sang, depuis sa naissance. Ces liquides divers, aux effets si apaisants. Elle avait pourtant réussi à s’en défaire. Avec de l’aide. Et ils l’avaient retrouvé quand même. Comme une malédiction dont on ne peut se défaire.

    Il ne savait pas par où commencer. Selina lui avait bien sur tout raconté, sur ses parents, sa naissance tumultueuse et ses addictions. Ils s’étaient aidés, soutenus. Elle s’en était sortie, il était fier d’elle, ils étaient heureux. Mais l’inconnu l’avait retrouvé. Et elle était partie. Elle ne l’avait pas prévenu que cela risquait d’arriver, mais il s’en doutait. Se voilant la face, il n’avait jamais voulu y croire, reléguant l’idée à l’état de fiction morbide. Maintenant, elle lui revenait à la gueule comme un putain de frisbee. Et Selina n’avait jamais cru bon de lui dire le prénom de celui qui l’avait mis en contact avec ses poudres et liquides. Il devrait se débrouiller par lui-même. De toute évidence, la Norvège était le point de départ. Après un rapide remerciement, le craquement caractéristique résonna dans l’appartement parisien et dans l’ancienne maison qu’il possédait toujours. Quelque chose lui disait que, malgré ses recherches désespérées, des années auparavant, il avait loupé quelque chose. Une vague odeur de fleur régnait dans le salon et l’homme ferma les yeux, essayant de se rappeler dans quelle situation il avait pu sentir une odeur aussi délicate. N’était-ce pas le parfum que portait sa belle lorsqu’elle habitait encore ici ? Il se laissa tomber dans un canapé poussiéreux, ferma les yeux et ramena les souvenirs à la surface.

    Il s’était réveillé, ce matin-là, et sa main avait cherché la présence du corps nu. Seul le vide s’était fait sentir sous ses doigts. D’abord, il avait cru que Selina était en bas, préparant Merlin seul sait quel petit-déjeuner dont elle avait le secret. Mais le silence régnait et aucune odeur agréable ne montait les escaliers. Lentement, il s’était redressé, avait regardé autour de lui et n’avait rien remarqué. C’était bien le problème. D’habitude, les sous-vêtements jetés pêle-mêle après les ébats du soir restaient au sol, les vêtements traçaient le chemin utilisé pour monter dans la chambre et quelques tableaux n’étaient plus droits. Là, il n’y avait plus rien. Le sol était vierge de toutes lingeries, les tableaux étaient parfaitement alignés et aucun tracé ne se détachait. Pourtant, l’odeur suave de la transpiration et du sperme emplissait la chambre. Il n’avait pas rêvé. Le goût de Selina était sur ses lèvres, son odeur embaumait dans la maison, les photos les montraient l’un dans les bras de l’autre. Mais rien d’autre n’indiquait qu’elle avait vécu ici. Elle aurait aussi bien pu être un rêve.

    Dalaigh avait presque immédiatement quitté la Norvège. Il avait continué à élaborer son cabaret, était retourné en Angleterre et avait mis ses plans en action. Il n’avait jamais remis les pieds dans cette maison typique. L’odeur aurait dû disparaitre, après dix ans. Et pourtant…

    Elle était revenue. Alors qu’il avait refusé de revoir les murs verts clairs. Alors qu’il avait tenté de faire disparaitre ce matin de son esprit. Et les autres, avec. Mais elle, elle était revenue, posant par touche légère son odeur délicate. Elle avait mis quelque chose, un indice, quelque part. Il en était certain. Elle ne serait pas revenue pour rien. Le sentimentalisme n’avait jamais fait partie de sa personnalité. Le regard noir se promena dans la pièce, effleurant les meubles, la vieille télévision, la radio, le cactus, les grandes fenêtres. Il revint sur le cactus. Jamais il n’avait acheté cette plante. Ni aucune autre. Ses jambes le dirigèrent automatiquement vers le pot en terre cuite, et ses doigts creusèrent la terre, ignorant la douleur piquante de ce débris de désert. Un petit papier blanc était enterré au fond du pot. Doucement, il le déplia. Resta bouche-bée. Et transplana à Londres. Le papier voleta, tomba sur le sol et ne bougea plus. Sur une des faces, un nom tracé d’une écriture féminine s’étalait. Des centaines de kilomètres plus loin, un dénommé Aleksandr Ghliebnikov recevait un Doloris particulièrement vivace.

    ф ф ф

    Tu connais une Selina, n’est-ce pas Aleksandr ?

    Le ton était mielleux, après ces longues minutes de torture. Heureusement, les murs étaient bien isolés, le taudis dans lequel vivait le russe était loin de toutes autres habitations et personne n’avait entendu les hurlements de douleur. Lentement, Aleksandr hocha la tête, ne sentant plus la douleur qui se répandait en traînées vives à travers tout son corps. Le sang lui coulait de la bouche, du crâne, même des côtes. Mais il était debout. Maintenu par de vulgaires liens en tissus, enroulés autour de ses poignets. Comme l’animal qu’il était. Il avait fourni Selina et l’inconnu. Dalaigh le savait. L’autre n’avait pas encore avoué mais il finirait par le faire.

    S uma sojti, oui j’en connais une ! Arrête ça maintenant…

    Tu connais l’homme avec qui elle se défonçait, il y a des années ?

    Ouais… Un noiraud, je sais pas son nom.

    Les hurlements de douleur reprirent tandis que Dalaigh n’affichait aucun sentiment.

    Réfléchi encore.

    Je sais pas !

    Une nouvelle vague de douleur envahi son corps. Dalaigh se laissa tomber dans un fauteuil alors que le corps d’Aleksandr se détendait. De toute évidence, il s’était évanouit tant les vagues brûlantes lui faisaient mal. Le menton dans une paume, le squelette se dit que jamais il n’avait subi ce sortilège impardonnable et que, avec un peu de chance, jamais il ne le subirait. Son regard se porta sur l’autre dont les épaules s’étaient déboitées sous le poids mort. Ses bras, à moitié retournés, le maintenaient à peine et la tête pendait mollement sur la poitrine que la respiration superficielle soulevait irrégulièrement. Dalaigh n’avait plus de temps à perdre. Il réveilla le russe grâce à un sort médicinal et reprit son interrogatoire en ignorant les cris et les larmes de douleur.

    Dit-moi son putain de prénom et j’arrête de te faire du mal. Tu as dix secondes. Après, je reprends. Tu me comprends, Aleksandr ?

    Le russe hocha la tête et se perdit dans ses pensées. Les yeux fixés sur une horloge murale, Dalaigh attendit les dix secondes et lança un Doloris juste avant qu’Aleksandr n’ouvre la bouche. A la place du nom qu’il était sur le point de dire, un hurlement lui écorcha la gorge et un peu de sang coula le long de son menton.

    Il s’appelle Boris, le mec que tu cherches. Je sais pas où il est, je l’ai vu y a trois semaines. Il voulait un truc que j’avais jamais entendu parler, un machin qu’on utilise pour les opérations. Je l’ai envoyé se faire foutre. Il m’a offert vingt mille livres. Alors je lui ai trouvé son truc. C’était pas facile, t’sais ? Introuvable sur le marché normal, ‘fin, normal pour moi quoi. J’ai dû faire des trucs, des magouilles, pour avoir accès à son liquide bizarre. Pis il est parti. Après m’avoir payé, bien sûr. Mais mec, je me serais bien passé de sa visite…

    C’est tout ? Il ne t’a pas dit où il partait ?

    Niet. Mais il a transplané depuis ici.

    Dommage qu’en trois semaines, tu n’aies pas jugé bon de me prévenir. Encore plus dommage que la Trace disparaisse rapidement après un transplanage.

    Un rayon vert frappa le russe. Ses yeux, encore ouverts, étaient maintenant emplis d’un néant caractéristique et son corps pendait dans le vide. Dalaigh ferma les yeux, jura et tenta de retrouver la Trace dont Aleksandr lui avait parlé. Quel dommage que ce Boris ait décidé d’aller voir le dealer qu’il employait. Il devrait en trouver un nouveau…
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Dalaigh B. McLaughlin

Dalaigh B. McLaughlin
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MessageSujet: Re: Vous ne bégayez pas qu'avec les mots, vous bégayez aussi avec les sentiments |Solo   Vous ne bégayez pas qu'avec les mots, vous bégayez aussi avec les sentiments |Solo Icon_minitimeJeu 8 Aoû - 8:43



    La Trace avait été introuvable. Durant de longues heures, Dalaigh avait arpenté le taudis, cherchant dans les moindres recoins. Il était même sorti dans le jardin, avait vérifié la rue et les alentours. Mais il n’avait absolument aucune piste. Les seules choses qu’il avait apprises étaient le nom de l’homme et sa couleur de cheveux. Rien qui ne sorte de l’ordinaire. Il sentait Selina lui échapper, lui filer entre les doigts. Le jet d’eau glacé de sa douche lui dénouait le corps et enlevait la poussière de sa peau mais les images et les informations défilaient dans sa tête. Il n’avait pas dormi depuis les premières images qui s’étaient imposées dans son esprit et se tenait éveillé grâce à la caféine. Il avait été tenté de reprendre de la cocaïne mais jamais Selina ne lui aurait pardonné. S’il arrivait à la retrouver…

    Selina, ma douce, calme-toi. Je ne veux que t’aider.

    Dégage ! Malade !

    Les yeux fous de la femme roulaient dans ses orbites, elle transpirait, la lumière vive se reflétait dans les gouttes de son visage et de son torse. Les poignets toujours maintenus sur la chaise grâce au lien de cuir, elle était entravée dans les mouvements violents qui secouaient son corps. Les aiguilles avaient laissé sur sa peau claire des marques violacées qui mettraient du temps à partir. Seulement vêtue d’un short et d’un soutien-gorge de sport, un observateur extérieur aurait pu remarquer que son ventre, soulevé de soubresauts, était extrêmement tendu. En fait, tous les muscles de son corps étaient tendus à l’extrême. Le tranquillisant que Boris tenait à la main n’arrivait pas à se faufiler près de la femme qui, pourtant, en avait bien besoin. D’un mouvement sec, le noiraud planta l’aiguille dans le cou de Selina, qui s’immobilisa rapidement. Les muscles se détendirent visiblement sous la peau et sa tête bascula sur le côté. Ses yeux se fermèrent et le battement de sa carotide diminua de rythme. Peut-être un peu trop. Boris, rassuré d'avoir calmé la Norvégienne, quitta la pièce et remonta à l’étage, sans comprendre que le sang surdosé en médicament finirait par tuer la femme.


    ф ф ф

    Les murs blancs défilaient tandis que les talons du squelette claquaient sur le sol. N’ayant eu aucune nouvelle piste, il analysait une fois encore toutes les données à sa disposition quand une alarme programmée lui avait indiqué que la page qu’il avait consulté venait d’être mise à jour. Le portable entre les mains, il avait fait défiler les visages inconnus, les visages qu’il avait déjà vu jusqu’à tomber sur la photo de Selina. Le petit panneau rouge au-dessous de son visage avait été remplacé par un autre, noir. Le mot « disparue » remplacés par « décédée ». Son cœur avait manqué un battement. Il avait cliqué sur le lien et la fiche de description s’était affichée, indiquant le poids, la taille, la couleur des cheveux et des yeux. Mais un numéro avait été ajouté. Comme dans un automatisme morbide, Dalaigh avait saisi son téléphone, composé les chiffres indiqués et laissé sonner. Une voix féminine lui avait répondu et il avait indiqué, en anglais, qu’il connaissait la fille retrouvée. Qu’il devait la voir. Immédiatement.

    Les murs blancs défilaient, donc, sous ses yeux vides. La femme lui avait dit de venir à la morgue principale de Moscou et, une seconde plus tard, il se présentait devant elle. Elle avait appelé le médecin légiste en charge, lui avait indiqué en russe que le squelette était un proche de la victime. Les deux hommes s’étaient regardés, l’un sans expression, l’autre le visage tanné par l’habitude des annonces mortuaires. Ils s’étaient dirigés vers la salle refroidie et, lentement, le spécialiste avait fait glisser le grand linge blanc afin de dévoiler le visage calme. Le visage toujours impassible mais sentant en son for intérieur quelque chose se briser, Dalaigh avait demandé à être seul. Lorsque le russe eut quitté la salle, il avait délicatement posé la main sur la joue douce. Avait fait glissé le linge jusqu’à dévoiler le gigantesque dragon. L’avait effleuré. Et pour la première fois, le tatouage était resté immobile. Les écailles n’avaient pas frémies sous le contact connu. Il n’avait pas ondulé entre ses doigts. N’avait pas dévoilé la peau plus claire de la hanche. La gueule ne s’était pas ouverte afin de laissé une langue de serpent, voluptueuse, lécher les babines rouges.

    Dalaigh avait recouvert le corps de la femme, avait pris sa main, délicatement, en avait retiré l’anneau qu’elle portait toujours et l’avait dissimulé dans sa poche. La fine bague d’argent semblait brûlante, contre sa cuisse, et, après avoir embrassé Selina une dernière fois, il lui avait recouvert le visage et était parti, sans un regard en arrière. Ses yeux le démangeaient terriblement, il avait envie de les arracher afin d’oublier ce qu’il venait de voir. Son cœur battait régulièrement, trop blessé pour que cela ne l’affecte. Les fissures qui le parcouraient depuis dix ans avaient explosé lorsque le visage mort lui avait été dévoilé, faisant voler en éclat sa stabilité intellectuelle déjà précaire, brisant les barrières qu’il avait érigées pour se défendre et enrobant de pierre le reste de son cœur.

    Les murs blancs défilaient devant ses yeux vides. Sa cuisse le brûlait. Sur sa bouche, la froideur de la Norvégienne semblait encore présente. Son odeur n’était plus. Il marcha jusqu’au bout du couloir, sortit de la morgue, tourna dans une ruelle sombre et se laissa tomber au sol. Recroquevillé contre le mur, le front posé sur les genoux entourés de ses bras, il ressemblait à un petit enfant perdu. Les larmes coulaient sur ses joues insensibles tandis que, derrière ses paupières verrouillées, les années de bonheur se déroulaient comme un film. Un film. Un simple film. Lorsqu’il releva les yeux, les traces mouillées avaient eu le temps de sécher sur sa peau tatouée, laissant des sillons clairs. Il ne prit même pas la peine de se relever, transplana directement à son bureau. Dans de grands mouvements vifs, il retourna tous les tiroirs afin de mettre la main sur ce qu’il cherchait. Enfin, dans le fond d’un tiroir secret, il trouva cette chaine fine qu’elle lui avait offerte des années auparavant. Délicatement, il fit glisser l’anneau sur les maillons et verrouilla le fermoir autour de son cou. Quiconque l’aurait vu à ce moment précis aurait reculé devant son visage dur et froid. Ses yeux, vides de toute compassion, reflétait l’éclat de l’acier et ses muscles tendus le rendaient dangereux, au regard des autres. Il était déterminé. On lui avait ôté son seul bonheur. Il ôterait celui des personnes qui se mettraient au milieu de son chemin.
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